« ''Faire de la radio…'' Une personne '' lambda''  ne verra pas concrètement l’intérêt de passer autant de temps devant un poste de radio. Elle pourra se montrer sceptique quant à l’intérêt de parler avec des inconnus venant de l’autre bout du monde. Il lui faudra aussi supporter ces bruits de fond, mais qui deviendront rassurants une fois qu’elle les aura apprivoisés. Elle devra tendre l’oreille, essayer de bien régler le volume et la fréquence. Une radio n’est pas un téléphone. J’aime ce côté difficile et extraordinaire.

(...)

Lors d’un après-midi chez M, un copain de la bande, nous prenions le goûter quand nous avons entendu des grésillements et une voix sortir d’un poste de radio. Intrigués, nous avons aussitôt demandé des explications. La voix, c’était celle du père de M. Il était marin-pêcheur et, lorsqu’il rentrait d’une sortie en mer, il contactait son épouse sur ce poste de radio installé dans la cuisine. À l’époque, tout le monde vivait le ''boom'' de la radio. Il y en avait partout, et notamment dans les voitures.

Après le récit de M, un autre de mes amis a alors lâché une phrase qui a changé ma vie : ''Il faudrait qu’on fasse ça, nous aussi. '' Alors, tous, nous avons acheté notre petit poste de cibi, en mode AM/FM.

(...) 

Chez Tata, nous étions les ''rois du pétrole ''. Midi sonné, elle venait nous voir pour savoir si nous voulions manger. Affamés par tant de concentration radiophonique, nous lui répondions '' oui '' sans hésiter. Elle nous rapportait alors des sandwichs jambon beurre dont nous nous régalions sans sourciller. Nos seules sorties de la chambre étaient pour se rendre aux toilettes. Tata ne semblait pas dérangée par nos activités. Par contre, l’énorme antenne radio juchée sur le toit devait peut-être moins lui convenir  !…

(...)

La magie de la radio se résume en un paysage, d’après moi… Le soir tombe sur la ville. Vous venez de passer deux ou trois heures devant votre micro. Vous en avez plein les oreilles, mais vous n’entendez pourtant plus les bruits de fond. Cela vous est devenu coutumier. Et, tout d’un coup, le monde vous semble minuscule. Le Sri Lanka se grime en Saint-Brévin, la Finlande en Besné. Ce soir qui tombe sur la ville vous fait dire que vous n’aurez pas assez de toute une vie pour en voir le nouveau jour… »